Entre les murs

Nous sommes donc arrivés à Cracovie lundi au terme d’un périple assez long pour la baroudeuse en herbe. On a fait un grande pause « à la sauvette » sur un parking d’hypermarché et nous nous sommes garés au 13/102 Masarska – Kazimierz vers 16h30. On passe un coup de fil à Marta et celle-ci nous rejoint 15min plus tard. C’est une jeune polonaise très sympa et dynamique, qui parle un bon anglais et nous invite tout de suite à monter dans son appartement. Marta, comme beaucoup d’autres personnes, a deux appartements. Celui où elle vit avec son mari, et celui qu’elle loue aux voyageurs. Nous avons donc l’agréable surprise de nous retrouver à 3 stations de tram du vieux Krakow, dans ce qui ressemble à un éco-quartier flambant neuf. Il y a un grand magasin à 50m, le tram à 200m, bref : tout ce qu’il nous faut. On entre dans l’appartement ultra sécurisé (code d’entrée, présence d’un gardien, serrures anti effraction, porte blindée) et on découvre avec bonheur un petit studio de 40 mètres carrés : un grande salle à manger/ salon + une chambre + la salle de bain. Il y a même une machine à laver… ! C’est pas qu’on n’aime pas laver le linge à la main tous les soirs mais bon…

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Tout est propre, ultra neuf et… ça sent… ça sent le meuble Ikéa. Tout l’appart est équipé Ikéa. On pose nos affaires et Marta montre même à Louise un énorme coffre à jouets remplis de légos et de voitures. C’est PARFAIT.

On fait de cette première journée, une journée « off ». On se pose juste, puis on fait quelques courses à l’Alma du coin et on se cuisine des pâtes pour le soir (ça change du sandwich!).

Mardi, tout le monde debout à 6h !

Les volets ne sont pas hyper occultants (voire pas du tout) et Guy comme Louise sont réveillés avec le chant du coq, puisqu’il fait grand soleil dans l’appart’ dès 5h30. Bon puisque c’est comme ça, on commencera tôt nos visites, tant mieux ! On prend le temps de lancer une lessive, de prendre nos petits déjeuners, de déballer quelques affaires, d’établir le programme du jour et hop on file direction le vieux centre historique ! Il nous faut 7min de tram pour rejoindre le Cracovie « intra muros » et on est très vite charmés par les alentours des fortifications. On entre dans la vieille ville et, passés les Mc Donalds, H&M et Costa Coffee (arh), la rue piétonne s’offre à nous. Au loin, la Basilique Notre Dame Sainte Marie domine tous les vieux bâtiments.

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C’est très beau et il y a quelque chose de romantique dans l’air : il est 9h, il y a peu de monde, des centaines d’hirondelles piaillent en volant autour des tours et le soleil commence à chauffer doucement.

Bon, on commence par quoi ? On ouvre le guide et l’atmosphère magique de l’instant va retomber comme un soufflet. On comprend d’un seul coup pourquoi il n’y a personne dans les rues et sur la place : il n’y a rien qui n’ouvre avant 10h30 voire 11h30. Soit, dans 1h30. Et d’ailleurs, à y regarder de plus près, il n’y a quasiment rien d’ouvert. Ce n’est pas grave, on commence par visiter le Rynek, l’immense et majestueuse place médiévale du centre de Cracovie.

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C’est la plus vieille place médiévale d’Europe. La Halle aux Draps au centre est somptueuse. Elle abrite d’ailleurs, une collection de peinture impressionnistes et réalistes polonaises et… c’est ouvert alors on file y jeter un œil. Guy était (complètement) sceptique et sort finalement des 45min de visite conquis par certains artistes qui n’ont rien à envier à nos impressionnistes !

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Plutôt que de faire des aller-retours dans la ville, on opte pour le bon vieux « pied de grue » devant la basilique Notre Dame Sainte Marie. On a pu entrer par l’accès réservé « à la prière » et ce qu’on a vu nous a littéralement soufflé. Il est 10h55. La billetterie ouvre à 11h15 et une fois les billets en main, on nous apprend que la basilique ouvre ses portes aux visiteurs à 11h35… ! On a l’impression de n’avoir fait qu’attendre ce matin. Mais je jeu en vaut la chandelle. A 11h35 tapante, on entre dans une basilique à nul autre pareil, dotée d’une fantastique voûte étoilée qui nous donne immédiatement l’impression de rentrer dans le tombeau de Ramsès IV. Tout est décoré dans des tons rouges, ocre, et bleu. Pas un centimètre qui ne laisse la pierre apparente.

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ET surtout, au fond du Choeur, trône un gigantesque retable d’une splendeur inégalée (et pourtant, on en a vu des retables!). On commence à regarder les explications mais on se rend compte que le retable est fermé. On ne voit rien de l’Annonciation, de l’Ascension ou de la Dormition… bizarre. Dans le même temps, la foule se masse de plus en plus et des chasseurs de « permis photo non payé » zèbrent la foule et fondent sur leur proie en exigeant énergiquement 5 Zlotys (ce dont s’acquittent les malheureuses victimes tremblantes sur le champs). Il se trame quelque chose… une sonnerie retenti, une femme parle de façon solennelle au micro et la magie s’opère : le retable, ouvert par une soeur, se dévoile doucement sur fond de musique classique. Quelle belle mise en scène ! On est subjugués, c’est très beau.

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On quitte l’église conquis et avec le ventre vide cependant. Il est déjà l’heure de manger ! Allez savoir pourquoi, alors que le petit bar à lait (petit restaurant typique polonais ou l’on peut boire -entre autres – du lait caillé) où on s’attable propose des hamburgers polonais végétariens, Guy décide de choisir … une soupe aux cornichons (que j’ai goutée et qui était délicieuse… quand on est fan de cornichons!).

L’après midi se déroule tranquillement, on visite monastère après monastère et on finit par échouer dans… les bureaux de la Gestapo. C’est dans cet énorme bâtiment austère que la Gestapo avait établit à la fois ses bureaux et aussi sa prison que nous avons pu visiter. Emouvant moment qui nous place face aux graffitis de ceux qui sont morts ici sous la torture nazie pendant la guerre.

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Un peu plus loin, changement de décor : on arrive au Collegium Maius, le centre de l’université de Cracovie où un certain Nicolas Copernic à fait ses classes et où un certain Karol Wojtyla a joué une pièce de théâtre. C’est qu’on aurait presque envie d’avoir la même salle des profs… !

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A noter : nous sommes tombés nez à nez avec rien de moins que le plus ancien globe terrestre du monde. Il date de 1510 et présente le continent Américain comme « nouveau continent découvert ». C’est presque à pleurer d’émotion !

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Il est déjà l’heure de la tarte, nos estomacs crient famine. On prend une apple pie géante dans un petit café qui propose, en plus de pouvoir manger, une ribambelle de jeux pour les enfants. La dolce vita pour tout le monde donc !

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On doit dire qu’on est assez conquis par Cracovie. C’est une bien jolie ville à taille humaine. Tout se fait à pied et la vie n’est vraiment pas chère. On à mangé le midi à 2 pour 5 euros seulement… ! Les polonais en revanche sont (pour le moment) beaucoup moins chaleureux que les tchèques. Entendons nous bien : ils sont très sympas mais… plus fermés, un peu plus froids au premier abord. Ce qui n’empêche pas quelques petites dames de faire risette à Louise !

Mercredi, on a continué notre tour de la vieille ville en s’attaquant au château ! Alors attention les yeux, il faut s’armer de patience. Tous les sites du château (c’est comme à Prague : le château comprend plusieurs ensembles) n’ouvrent pas à la même heure et les caisses pour acheter les tickets ne sont pas aux mêmes endroits. Les billets pour les appartements royaux partent comme des petits pains et il y a même un tableau qui fait le décompte des billets vendus jusqu’à épuisement. Il ne reste plus que 100 places quand nous arrivons (15min après l’ouverture seulement), la tension monte ! Après consultation avec Louise qui relit le guide du Routard rapidement, on fait le choix de visiter la cathédrale, les appartements privés et la dame à l’Hermine de Vinci. On arrive au guichet et surprise ! Pour visiter les appartements, on nous impose une visite guidée et un horaire de visite. On est pas fan de visite guidée mais bon, on verra.

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On commence par la Cathédrale, qui est très belle, quoi que pas aussi somptueuse que celle qui donne sur la Rynek (avec le retable mécanique et le plafond étoilé). En revanche, le billet nous donne le droit de visiter les très belles chapelles de la Nef et de monter dans la Tour Sigismond où nous pouvons voir de très très près les cloches de la cathédrale.

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Louise est toute interloquée et ravie en même temps. Surtout, dans la crypte, nous découvrons les tombeaux des rois et héros de Pologne. Poniatowski (héros de la libération nationale), Kosciuszko (qui a participé à la guerre d’indépendance américaine) entre autres et… nous tombons nez à nez avec le tombeau du président Lech Kaczinski et de sa femme ! On avait oublié cette dramatique histoire du crash de l’avion présidentiel, c’était en 2010 déjà.

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Après un déjeuner vite avalé (une côtelette panée pour Guy et des raviolis fourrés aux oignons et au fromage pour moi miiiiiam), on retourne au château pour finir nos visites.

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En attendant notre visite guidée, Louise s’émancipe et nous quitte carrément. A pied. Elle traverse toute une partie de la cour centrale, en se retournant régulièrement pour faire coucou à des gens. Pas à ses parents non. A de parfaits inconnus. Le moment de solitude ? Après cette photographie où on a l’impression que Louise se précipite dans mes bras… elle bifurque au dernier moment, me laissant seule bras ouverts au milieu de la place. Bref.

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Le moins que l’on puisse dire c’est que les appartements privés ne nous aurons pas laissé un souvenir impérissable là aussi. Les pièces sont belles, mais assez froides (on ne parle pas de la température). La guide donne quelques petites explications mais rien de très passionnant. Là des tapisseries flamandes, ici des porcelaines de Delft, de l’argenterie, de la vaisselle, des tableaux, du cuir de Cordoue. Ce qui est intéressant cependant, c’est de voir que les différentes restaurations du palais lui on donné un aspect très bigarré : ici du gothique, là du renaissance, plus loin du baroque, quelques touches médiévales pour terminer sur de l’Art nouveau. Louise s’impatiente un peu (et on la comprend), parle à voix haute et la très sympathique guide en rigole « quelle bavarde ! Mais dites moi, elle est blonde votre fille ! C’est une polonaise ! » (ok. Là, elle ne me fait plus rire la guide. Grr).

On passe changer nos Koruna tchèques contre des zlotys polonais.

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Ce que c’est bon d’entrer dans un bureau de change ! Cela nous rappelle d’excellents souvenirs du tour du monde, quand nous passions frontières après frontières et que nous essayions de changer notre reste d’argent dans la nouvelle monnaie… En fait, après la Pologne, nous pensions rejoindre Budapest par Brno (en République Tchèque donc). Finalement, on a décidé de traverser la Slovaquie pour un plus « joli » tour d’Europe, même si nous n’y ferons qu’une étape d’une nuit !

Il est 15h, il fait 34° à l’ombre et il n’y a ni nuages, ni vent. On cuit à l’air libre. On rend les armes et on rentre tous faire une sieste à l’appart’. On ressortira visiter Kazimierz après 17h…

DSCF5562Jeudi 23 juillet.

Je regarde mon reflet dans la vitre salie et patinée par le temps. Je regarde mon reflet et pourtant ce n’est pas mon visage que je vois, mais celui des 1,1 millions de personnes qui ont été assassinées entre ces murs. Le temps patine les souvenirs, la mémoire, l’Histoire. Il rend les bâtiments fragiles, la mémoire incertaine et fait pousser l’herbe verte là où n’y avait rien. Il y a toujours des millions de personnes qui passent ici. Elle passent et s’en vont, se promenant presque de façon nonchalante dans ces allées à l’aspect presque bucolique.

DSCF5530DSCF5534Ce sont, on l’espère, autant de passeurs de mémoire que de passeurs d’Histoire. C’est la 3ème fois que je viens ici, mais la première fois pour Guy. La gorge se serre toujours lorsque l’on passe devant les montagnes de lunettes, de cheveux, de chaussures ou de vêtements de bébé. Autant de petits morceaux de vies qui témoignent de l’existence de ceux qui ne sont plus.

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Nos yeux ne quittent pas les barbelés qui enserrent les camps, les miradors menaçants et les potences que nous avons tant vues en photographie. Quelle étrange sensation encore et encore que de se promener dans le document d’archive.

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Nous sommes venus avec Louise sans savoir s’il fallait ou pas. Puis on s’est dit qu’elle était trop petite pour comprendre. Il n’empêche. Nous n’irons pas partout avec elle. Une barrière morale – presque physique – nous empêche d’entrer avec elle dans certains blocs ou encore dans la chambre à gaz. Dans ces allées, dans cette chambre à gaz (Auschwitz I), dans ces baraques, dans ces prairies et le long de cette voie de chemin de fer (Auschwitz Birkenau), 1,3 millions de personnes ont posé leurs pieds, leurs affaires, leurs regards. 200.000 seulement survivront à l’enfer d’Auschwitz.

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On quitte Auschwitz après une journée de visite. Le camp (Auschwitz II Birkenau) est gigantesque, on a de la poussière sur les pieds et de terribles images plein la tête. On est épuisés mais je suis satisfaite d’avoir pu donner un cours d’Histoire grandeur nature à Guy qui à pu mesurer la logique industrielle de l’extermination des Juifs d’Europe, prendre conscience, comprendre, apprendre. Emu, il me jure qu’il ne reviendra pas. En tout cas pas avant longtemps.

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Céline, Guy & Louise

8 réflexions sur “Entre les murs

  1. On passe du sourire, au rire et à la tristesse ! C’est beau, c’est magnifique et à la fin c’est tragique et émouvant. Je comprend que vous vous soyez posés la question concernant la visite du camp de concentration avec Louise. Tout n’est pas à voir pour les jeunes enfants, vous avez eu raison. Même si elle est petite, des images restent et il vaut mieux qu’elle garde en elle des images de pierres et de verdures et surtout les souvenirs des tableaux, dorures et vitraux des monuments et musées visités. Bravo pour les photos et le récit de vos pérégrinations ! Gros bisous !

  2. Coucou Maman !
    Merci pour ton petit message !
    Oui on passe par toutes les phases dans une même journée ici… mais la région est fantastique et tellement riche historiquement et belle à voir !
    On a soigneusement évité tout ce qu’il fallait pour Louise… elle ne gardera en tête que les voûtes des cathédrales, les prairies, le renard qui se promène, le beau temps… et nos tronches de clown !
    Gros bisous !

  3. Coucou ,
    Je voyage, je découvre des lieux magnifiques et d’autres endroits nettement moins beaux mais certainement très émouvants , celui qui voit ça pour la première fois cela doit être dur ( une pensée pour Guy).Et notre petite Louise qui marche ( youpi! !) Toujours perchée la tête dans les étoiles un vrai petit bonheur .
    A bientôt gros bisous à tous 3.

  4. J’ai commencé à lire avec délice, comme d’hab’, ce récit sur Cracovie, en me disant « ça a l’air sympa, ils me donnent envie !! », en souriant aux frasques de Louise (mention spéciale à la photo où elle grimpe les marches !) et puis pouf, je me fige face à mon écran. Naïvement, j’avais « oublié » que vous étiez dans la région d’Auschwitz. Je n’avais en tête que dorures baroques et foires médiévales…

    Question tourisme : comment avez-vous trouvé cet appartement à louer ? Sur un site spécial ?

    1. Coucou ma Noémie !
      Oui on avait visé la région entre autres pour ça…. Depuis le temps que je dis à Guy qu’il faudra aller visiter Auschwitz…
      Pour l’appart, non pas de site spécial ! Je crois qu’on a trouvé ça sur Booking !

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